HISTORIQUE
La genèse
De l'ASUB au BUC
Les faits se sont précipités, lors des dernières semaines de la saison ’63-’64. Le ballon ovale qui avait franchi les murs de l’université de Bruxelles, tout à fait à la fin des années ’50, était devenu d’or quatre ans plus tard. La marche avait été ascendante pour les étudiants qui avaient appris l’ABC d’un sport dont deux ou trois chevronnés anderlechtois leur avaient enseigné es rudiments. On n’en était pas encore à Z, ni même à XY, mais le MNO paraissait confortablement dépassé dans la technicité abécédaire. D’autant plus que les développements du côté de l’almamater bruxelloise ne permettaient plus aux autorités sportives de la vénérable institution, d’encore ignorer qu’un ballon pouvait être allongé, et pointu à ses extrémités.
L’ASUB des débuts, champion de Belgique ! Mais encore, emporte le tournoi Franco-Belge. Et enfin, enlève la coupe Benelux (première et seule de son nom) en battant les champions hollandais d’Hilversum et à défaut d’une représentation luxembourgeoise. Arrêtons les frais … ce qui n’empêche pas certains boutons de sauter, faisant péter les cols libérant les cous qui s’enfilent. Surtout parmi certains qui n’avaient pas partagé les balbutiements difficiles et les accouchements laborieux des enfantements du début. Pour ceux-là, champions on était, champions on serait. Dès lors se prémunir de toute mésaventure. De se renforcer en conséquence. Et d’aller grappiller autour de soi. D’aller puiser aux sources, définies bonnes et indiscutablement les meilleures. Albion, mais aussi sa perfidie légendaire, se traduisit par une école de commerce à belle fréquentation britannique.
Mais à l’ULB, l’implantation du rugby dans les horizons universitaires, qu’en devenait-il de tout cela ? Bref, ça foirait. Du moins dans l’esprit des anciens, pour d’autres qui déjà les déclaraient vieux. Il y avait des divergences dans l’air. On n’en était pas au divorce, ni même à la séparation, mais à une question de principe. Pour les décideurs, on récupérait le « gratin ». Mais un gratin désormais encadré par, et au gré, d’une bonne douzaine de Britanniques devenus incontournables. Quant aux autres ils n’auraient qu’à assurer un réservoir, où il serait toujours bon d’aller puiser en cas de besoin. Mais la formule de l’époque et le nombre toujours très limité de clubs et d’équipes, firent en sorte qu’il y eut deux équipes de l’ASUB en championnat. D’ASUB2 à BUC, il y eut une habitude étymologique que les laissés pour compte prirent l’habitude à l’appellation première de préférer la deuxième. Toujours ni divorce, ni même séparation, mais un championnat ’63-’64 qui les précipitèrent. C’est qu’en fin de course, le BUC se prit la fantaisie de battre l’ASUB jusque-là invaincu, et ainsi d’offrir le titre à Anderlecht. Ce dimanche-là au terrain du Tir National, le BUC avait démontré que la machinerie d’Outre-Manche devenait prenable par un rugby-champagne. Une leçon était peut-être à tirer. Les mentors asubéens de l’époque préférèrent tenter de faire invalider autour du tapis vert, un résultat acquis en bonne et du forme su le terrain. En pure perte.
Mais la saison suivante, le BUC prit résolument ses marques au Stade Georges Pètre. Non sans avoir, dans un ultime espoir de réconciliation, opté en un premier temps pour la dénomination ASUB St-Josse. Tout en revendiquant une autonomie que, pour sa part, l’ASUB n’accepta pas. D’où ce Buc St-Josse. Dès lors définitif. Définitif, mais également précis quant à ses motivations et à ses objectifs. Au-delà du sport il y avait à promouvoir les idéaux chers à l’université libre de Bruxelles. Selon leurs moyens les Bucistes s’engageaient à aider dans leurs études ceux qui suivaient des cours, ou qui s’y destinaient. Dont, notamment, les élèves de l’athénée de St Josse. C’est déjà dans cet esprit qu’une école de rugby, initialement mise sur pied en collaboration avec Anderlecht, fonctionna les samedis matins. L’ovale était officiellement affiché parmi les sports à option des années … et aurait pu aller au-delà, malgré les changements qui bouleversèrent le secondaire dans la commune (est-il trop tard pour renouer avec les bonnes habitudes) ? Mais un retour en arrière. Pendant ce temps à l’ULB ? Ceux du BUC avaient pris résolument en main l’organisation de rencontres inter-facultaires de rugby. L’ovale s’envoyait régulièrement sur les heurs de midi, et à la polytechnique y faisait merveille. Ce qui n’empêchait nullement l’ASUB de truster trois titres nationaux (tout comme Anderlecht, pour un au Kituro), ni d’enregistrer unilatéralement les retombées sonnantes, trébuchantes et d’autre, d’une ASUB-centrale. Au pied du mur, en bon maçon pleinement heureux et satisfait, le BUC consolidait l’ensemble. Et, somme de toute, le rugby s’en trouvait fort bien, le triomphe des uns n’ayant à subir que l’humour au besoin scatologique des autres. D’autres qui, quoi qu’il en soit, avaient le vent en poupe.
D’heureuses naissances vinrent combler de joie les pères-pionniers. Un Polybuc, d’abord. Les polytechniciens, portés en championnat, forcèrent la première division dès l’issue de leur première saison. Moins résolus dans leurs ambitions, de joyeux rigolos, fanfare et free-jazz en poupe, implantèrent l’ovale dans la banlieue sud de Bruxelles. Ce fut le Zuun-Buc et ses folles nuits qui firent le ravissement des populations d’entre Hal et Leeuw-St-Pierre. À l’ULB, Jacques Delfosse, devenu principal organisateur du sport, savait qu’avec les Bucistes tout roulait admirablement. Jamais de problèmes, rien que des solutions. Une ombre cependant. Du côté de la Faculté de l’Éducation physique et des Sports, où le BUC avait fait des adeptes, il y avait un professeur, ancien athlète de très haut niveau reconverti en solide pilier. À l’ASUB… ce qui n’est pas nécessairement un mal, mais qui digérait mal que les préférences de ses ouailles aillent au BUC. Et ce fût l’ultimatum : « Si vous nourrissez quelque espoir quant au bon déroulement de vos études, il y aurait intérêt à bifurquer ! » qu’il leur dit. Non sans effet. Du moins pour quatre des cinq étudiants concernés. Le denier eut cette réplique : « Rater pour rater, moi je reste au BUC ! » qu’il déclara. Honneur à Robert Kriwin, un des grands demis d’ouverture du BUC… dont l’acte de courage qu’il posa n’eut aucun lendemain dommageable. Il réussit même avec une corbeille pleine de fruits, dont l’une ou l’autre pêche généreusement abandonnée en cours de match.
C’est ainsi que le hasard, faisant parfois curieusement les choses, aboutit pour le BUC par un titre de champion de Belgique. Ce fut en 1972, lors d’une finale à Casteau où l’ennemi de toujours fut puni d’une marge de quelque quarante-quatre unités. Le même jour, au même endroit, la toute jeune équipe de Forest était sacrée championne de division 2, rejoignant ainsi l’élite du rugby belge. Au sein du quinze forestois, six ou sept anciens Bucistes. Des « vieux » pour faire le nombre, et sans lesquels Forest n’aurait pas pu réussir cet étonnant sans faute en championnat. Vainqueur en championnat, remportant encore la Coupe de Belgique, le BUC connaissait son apogée.
… Mais l’histoire du capitole et de la Roche Tarpéenne ? Vous connaissez. Pour composer un quinze d’élite, on avait consenti des sacrifices. Le polybuc avait payé la note (ce qui avait, il est vrai, permis l’éclosion de Forest ; l’amputation n’avait donc pas été totalement vaine). À échéance la note apparaissait quand même amère. Une page avait été tournée. A la foi en la loi du nombre, on avait préféré la réunion d’une élite. Le travail à l’université avait été négligé. Les diplômés avaient oublié d’assurer la relève. La descente aux enfers était programmée. Le BUC a évité le pire. De justesse. Il s’y est repris. Mais tout juste à temps alors qu’il voisinait les bords du gouffre. Des durs à cuire maintiennent une présence, en attendant cette relève à laquelle nous prépare une excellente école de jeunes. Dès lors on peut rêver.
À l’ULB, il est de nos Fizzàpapa’s qui pourraient répéter les folles témérités de naguère. À St Josse-ten-Noode, il y a maintenant un lycée Royale pourrait d’autant mieux y refleurir que le rugby d’aujourd’hui sourit aussi bien aux filles que parmi les garçons. Et ce Polybuc, qui mieux que tout fut le reflet d’une certaine idée du rugby ? Un rugby généreux. Toujours prêt à épauler les initiatives. Il y eut des siens aux premières heures de Boitsfort, d’autres furent déterminants à celles de Forest. On en retrouvera à Ottignies. On en passe et des meilleurs. Dont -comment pouvait-on l’oublier?- ce Kibubu. Un retour d’Afrique, après que deux bucistes leurs études terminées regagnaient leurs pénates. Leur capitaine-président de l’époque leur avait confié un ballon « de forme allongée et pointu en ses deux bouts », pour qu’ils aillent porter la bonne parole dans leur terre lointaine. Ce ballon qu’est-il devenu ? Quoi qu’il en soit, il aura fait des jeunes. KI-BU-BU ? Les initiales de trois régions où l’ovale circula, avant d’envoyer de nouveaux étudiants dans une lointaine Belgique. Au-delà d’un intermède commun avec l’équipe-mère, ils fixèrent une autonomie dont peut s’enorgueillir la grande famille du rugby chez nous. Tout à fait dans cet esprit du BUC. Tel le Phénix, indéfiniment, il renaît de ses cendres.
Texte écrit par Sébastien de Raet